Queimada est un film de Gilo Pontecorvo qui date de 1969 sur lequel j'ai eu la chance de tomber par hasard, dans les années 80, en m'attardant tard le soir devant la télévision.
Ce film démonte la méthode utilisée au 19ème siècle par un agent anglais pour faire passer sous domination anglaise, une île des Caraïbes jusque là sous domination portugaise, et ainsi contrôler la production et le commerce du sucre. Ce film est servi par une musique signée Ennio Morricone, dirigée par Bruno Nicolai.
Ce film n'est pas un film historique, et toute assimilation à une île existante ne serait qu'extrapolation.
Voici donc notre agent anglais, Sir William Walker, interprété par Marlon Brando toujours disposé à prêter son concours à des oeuvres dont le but est de dénoncer l"oppression, qui débarque sur l'île de Queimada, dont le nom signifie "brûlée" en portugais, le titre anglais du film étant "Burn !".
Sa méthode : provoquer une révolte des esclaves, les aider à prendre le pouvoir, une fois cette tâche accomplie, leur faire comprendre conscience que diriger un état dépasse leur compétences, et installer un gouvernement fantoche à la solde de l'Angleterre.
Pour mener cette révolte, il lui faut un leader, qu'il trouvera en la personne de José Dolores, interprété par Evaristo Marquez acteur colombien dont ce fut la première apparition au cinéma et la plus marquante. Parmi la foule des esclaves, il est le seul à montrer des velléités de rebellion, c'est donc lui, José Dolores qui deviendra le maillon essentiel de l'opération.
Tout marche comme sur des roulettes, et une fois la tâche accomplie, Sir William retourne à ses occupations, jusqu'au jour où...
Voilà en effet que nos anciens esclaves retournés eux aussi à leurs occupations réalisent que leur sort ne s'est pas amélioré, qu'ils se sont fait avoir jusqu'au trognon, ils reprennent donc les armes et la lutte. Le "gouvernement" dépassé rappelle Sir William, notre fin stratège, à la rescousse.
Celui-ci tente d'abord de faire entendre raison à nos insurgés, puis devant l'échec des négociations, ces braves indigènes étant devenus méfiants, il se voit contraint, la mort dans l'âme, de réprimer par les armes cette mutinerie. La mort dans l'âme, car cet homme cynique, sans foi ni loi s'est pris d'affection et ressent de l'estime et du respect pour l'homme dont il a fait un leader révolutionnaire cet homme qui a tellement bien endossé le costume qu'il ne veut plus le quitter et refuse de rentrer dans le rang.
Pour faire sortir le loup du bois, ou plutôt nos révolutionnaires de leur Sierra, il fera déplacer les populations susceptibles de leur fournir vivres et assistance et incendier les endroits servant de refuge aux révoltés. Nos insurgés, encerclés par l'armée, se feront tirer comme des lapins en tentant d'échapper aux flammes.
José Dolores en réchappera, condamné à la pendaison, il acceptera son sort, refusant la proposition d'évasion de Sir William qu'il appelle presque amicalement "l'Anglais", car grâce à lui, il es devenu un mythe.
Et un mythe comme chacun sait, peut faire des ravages bien pires que les petites bêtes homonymes.
Sur le chemin qui mène le général José Dolores sur les lieux de son exécution, un soldat (noir lui aussi), lui pose une question (je ne me souviens plus exactement laquelle), et José lui répond : "Si tu poses la question, c'est que tu as déjà commencé à réfléchir".
J'espère vous avoir donné envie de découvrir ce film, qui vous l'aurez compris, a beaucoup compté pour moi, il se trouve en DVD, notamment dans la collection FNAC, c'est celle que je possède.
Ce qui est extraordinaire avec film, c'est que bien que datant de 1969, il est en plein dans l'actualité.
Je fais référence à des "événements" qui se sont déroulés dans un pays situé sur la rive sud de la méditerranée, où une révolte a éclaté (disons cela ainsi) de façon tout à fait spontanée. Notre président, ardent défenseur des droits de l'homme, averti par un philosophe bien connu et révolté par le sort qui semblait devoir être reservé aux insurgés, n'a eu de cesse de convaincre tous ses alliés occidentaux et quelques autres, qu'il fallait voler au secours (voler et le mot juste) de ces braves gens. Le tyran a été éliminé, doux euphémisme quand on sait qu'il a été lynché, voire torturé avant d'être abattu sans autre forme de procès. Aucune autopsie n'a été pratiquée car les résultats auraient pu ternir gravement l'aura des insurgés et aussi celle de tous les "humanistes désintéressés" qui les ont soutenus.
Mon but n'est pas de défendre la mémoire d'un dictateur sanguinaire qui a torturé, emprisonné, fait disparaître des opposants, et abusé de quelques jeunes filles, mais de dire que ce dictateur avait surtout le tort de vouloir être maître chez lui et de vouloir vendre les richesses de son sous-sol à qui bon lui semblait (non, j'ai pas dit pétrole !), bref d'être un incontrolable, un personnage obtus, incapable de comprendre où était son intérêt. Et que les autres se le tiennent pour dit ! Les historiens se chargeront de lui faire le procès équitable auquel il n'a pas eu droit, je ne sais pas si "L'Histoire l'absoudra" pour plagier Fidel Castro, mais tout individu à droit à la justice, et on ne peut que sortir grandi en respectant les droits élémentaires et la dignité de son ennemi vaincu quelle qu'est été l'horreur de ses actes. Ceci s'applique à tous les vainqueurs et à tous les vaincus.
A propos de Fidel Castro, j'ai été choquée par le parallèle que Daniel Cohn-Bendit a établi entre Viktor Orban et Fidel Castro (et aussi Hugo Chavez). Je lui accorde que plus de 50 ans de pouvoir ne sont pas là la caractéristique d'un grand démocrate, mais je lui suggère de s'interroger sur ce qu'il aurait fait à la place de Castro. Je ne sais pas si le but initial de Castro était de devenir dictateur à vie, mais je conseille à notre ami Daniel de se documenter sur l'Histoire de Cuba et les circonstances qui ont conduit à la situation actuelle : pour comprendre le présent, il faut étudier le passé (amendement Platt, etc) voir : http://www.michelcollon.info/Il-y-a-cinquante-ans-les-Etats.html . "Daniel, si tu me lis, sache que tu as un droit de réponse" (à prononcer à la manière de Michel Drucker). Il faut dire que la nouvelle mode chez nos représentants est de parler sans réfléchir, et parfois sans savoir, de mélanger les torchons et les serviettes et de comparer de choses qui ne sont pas comparables. Depuis l'effondrement de l'Union Soviétique, Cuba n'est plus une menace pour son puissant voisin et n'ayant pas de ressources naturelles susceptibles de provoquer la convoitise, et un changement de régime à Cuba n'est pour l'instant plus une priorité pour les "démocraties occidentales" (et notamment son puissant voisin) et que des concessions seront faites de part et d'autre pour aboutir à des relations "normalisées", en tout cas, je l'espère.
Et voilà comment, à partir d'un film, on en arrive à des réflexions sur tout un tas de sujets, "de fil en aiguille"...C'est une des raison d'être du cinéma !
Tout ça pour vous dire que la recette de Sir William fonctionne toujours à merveille !
Pour ceux qui ont persévéré dans la lecture de cet article et qui s'intéressent aux événements qui se déroulent dans le reste du monde et souhaitent comprendre un peu mieux certaines situations actuelles qui, je le répète prennent leurs racines dans le passé, je vous invite à consulter le site du journaliste belge Michel Collon "investig'action" (je créerai un lien ultérieurement), vous pourrez y lire les analyses de différents intervenants et vous informer sur Haiti, le Darfour, le Soudan la Libye, la Somalie, pourquoi y a-t-il des pirates en Somalie, et de fil en aiguille (encore), vous comprendrez que rien n'est simple, que rien n'est tout blanc, rien n'est tout noir. Si l'Afrique vous intéresse, je vous conseille notamment les articles de Mohamed Hassan, sur l'Erythrée entre autres.
N'acceptez jamais les informations que l'on vous donne comme vérités incontestables, vérifiez-les, recoupez-les, ne vous bornez pas à être de oies que l'on gave !!!
Merci de votre lecture !